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Parc Benoît Bégin : honore un urbaniste et une profession

Le 4 juin dernier, la Ville de Trois-Rivières rendait hommage à un homme de vision qui n’a jamais eu la langue dans sa poche : Benoît Bégin, architecte de paysage et urbaniste.

Benoît Bégin est un pionnier de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’architecture de paysage au Québec. Trois domaines connexes trop souvent considérés en vase clos selon Benoit Bégin, « trois domaines qui devraient mieux s’arrimer pour assurer un développement intelligent du territoire ». En soulignant la carrière de Bégin en baptisant un parc en son nom, la Ville de Trois-Rivières rendait aussi hommage à une profession qui devrait, à l’image de l’homme honoré, occuper une plus grande place dans le débat public.

Cette décision de la Ville de Trois-Rivières souligne, est particulièrement bienvenue. On donne des noms de poètes et de politiciens aux lieux publics, mais on oublie trop souvent les tisserands de nos rues et espaces urbains : les urbanistes et les architectes paysagistes.

Dans « Aménagement et urbanisme au Québec » (2014), André Boisvert dédie un chapitre complet à Bégin. L‘auteur recueille des témoignages de pionniers de l’aménagement du territoire depuis la Révolution tranquille et dresse ainsi une histoire impressionnante de l’évolution de la profession. Le témoignage de Benoît Bégin est le premier présenté dans l’ouvrage. Il faut dire que Bégin est un patriarche! Professeur titulaire à l’École d’architecture et à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal des années 1950 aux années 1980, Benoît Bégin fonde son bureau-conseil en 1952.

Son mémoire de maitrise s’intitule « A Master Plan for Trois-Rivières, Québec ». Benoît Bégin le présente en 1950 à l’Université Cornell aux États-Unis, et, comme le rappel Paula Meijerink, directrice de l’école d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, à cette époque, la plupart des architectes paysagistes québécois font leur apprentissage chez nos voisins du sud. « Avant 1968, année où le Baccalauréat en architecture de paysage est dorénavant offert à l'Université de Montréal, il n’est pas possible d’étudier cette discipline au Québec. »

L’événement du 4 juin dernier souligne à quel point la profession est jeune dans une province qui en a pourtant tant besoin. Voilà ce qui ressort des échanges entre les invités à l’Hôtel de Ville de Trois-Rivières. Parmi ceux-ci, des représentants de l’Ordre des urbanistes du Québec, de l’Association des architectes-paysagistes du Québec ainsi qu’un nombre impressionnant d’ex-collègues de Bégin à l’École d’architecture de paysage. En leur parlant, on apprend que le ministère des Affaires municipales, l’organisme responsable du développement des villes et villages du territoire – il n’y en a pas d’autres – n’avait pas de budget pour engager un urbaniste à l’époque ou Bégin fonde son bureau! C’est presque hier – début 1950. Que s’est-il passé après? Il a fallu que Bégin se débatte pour aider les universités à enseigner cette discipline d’où la fondation d’une faculté francophone à l’Université de Montréal. Il aura fallu attendre en 1961 pour que l’institution de la montagne accouche d’une maîtrise en urbanisme.

Et entretemps, est-ce que le ministère a agi? Pas beaucoup selon Jean-Pierre Bonhomme, premier journaliste au Québec qui s’intéressait – à temps plein vers 1970-1980 – aux questions liées à l’environnement, à l’architecture et au développement du territoire. Bonhomme considère que « l’État n’a pas donné d’importance à la créativité dans le domaine de la beauté des formes urbaines et du développement sensible du territoire. » Pour l’ancien journaliste du journal La Presse, le gouvernement a laissé cette responsabilité entre les mains des organismes municipaux, qui ont souvent agi en fonction d’intérêts particuliers. « Il en est résulté un désordre du paysage et de l’habitat qui nuisent à la réputation du Québec et ce sont des mots doux en comparaison à ceux de Bégin », explique-t-il.

« Monsieur Bégin n’a pas eu la vie facile, raconte Jean-Pierre Bonhomme, les urbanistes-architectes comptaient pour peu. » Paula Meijerink qui était également présente à l’inauguration du parc Benoît Bégin ajoute à ce sujet que le fait d’inscrire le nom de Benoît Bégin dans le paysage urbain de Trois-Rivières constitue, « de la part de ce conseil municipal, une marque de reconnaissance très bienvenue envers la profession. » Benoît Bégin serait le premier architecte paysagiste québécois à se tailler une place dans la toponymie du Québec.

La vie urbanistique est-elle meilleure aujourd’hui? « Pas tellement » suggère Jean-Pierre Bonhomme. « L’État ne surveille pas la mise en application des règles de l’ordre urbain. Et surtout, il semble incapable d’imaginer qu’innover en ce domaine, avec intelligence, vision et sensibilité, soit réellement de son ressort. »

Les pionniers comme Bégin ont bien du mérite et probablement autant de regrets. On le notait dans son allocution du 4 juin. Bégin qui était entouré de ses petits-enfants – « notre plus bel avenir » – a souhaité, tout en remerciant sa ville natale, « un futur meilleur pour nos villes et villages, un futur meilleur pour le Québec. »

NOTE BIOGRAPHIQUE

Né à Trois-Rivières en 1922, Benoît Bégin a ouvert un bureau dans sa ville natale en 1953, comme consultant en urbanisme et en architecture du paysage. Il a œuvré pour des villes comme Lac-Mégantic, Nicolet, Cap-de-la-Madeleine, Shawinigan-Sud et pour Trois-Rivières, à partir de 1957. Chez nous, on lui doit un plan directeur et un rapport d’accompagnement de 2 volumes de 417 pages, qui balisait l’avenir de notre ville : le tracé des autoroutes, la consolidation du centre-ville, la création de nouveaux quartiers résidentiels, un mail piétonnier pour la rue des Forges, les annexions, les zones industrielles, etc… On proposait aussi une place pour l’urbanisme dans la structure administrative de la Ville.

À la retraite depuis 1988, M. Bégin est membre émérite de l’Ordre des urbanistes du Québec, fellow de l’Institut canadien des urbanistes, fellow de l’Association des architectes-paysagistes du Canada, membre honoraire de l’Association des architectes-paysagistes du Québec et récipiendaire de la médaille du Mérite de l’Ordre des urbanistes du Québec.

Mathieu Régnier

Source : Ville de Trois-Rivières.